par Matthieu F.
Faire du vélo c’est tellement simple ! Il suffit de s’éloigner un peu de chez soi, seul ou en groupe, et d’aller se faire plaisir au fil des kilomètres et du relief.
Sauf que nous, à l’ASCM, on aime pas quand c’est trop simple… Du coup, à l’occasion de notre grande sortie annuelle, on a décidé de faire PLUS que d’habitude. Plus loin, plus nombreux, plus de kilomètres, et plus de dénivelé !
Tellement accros aux rendez-vous du midi sur le petit parking du CIC, onze membres de la section Cyclo (un tiers de l’effectif, s’il vous plait !) ont décidé de se retrouver au même endroit, samedi 15 juin 2019 au matin. Le point de départ d’une aventure annoncée et attendue de longue date :
La Cyclo-sportive MORZINE HAUT CHABLAIS. Une épreuve organisée par CYCLING CLASSICS France, labellisée GRAND TROPHEE et classée parmi les plus exigeantes de France.
Une organisation d’une efficacité redoutable était en marche. Si on était des militaires, on aurait pu appeler cela « l’opération DONIUS »… La camionnette (presque) neuve et (presque) propre était déjà là pour accueillir nos fières machines, impatientes de partir en mission en haute montagne. Les vélos savamment sanglés par le doyen du groupe, les cyclistes répartis rapidement dans les véhicules, le convoi était lancé. Pause déjeuner en Suisse, sandwich ou pâtes sans fromage mais à la Gruyère, puis encore un peu de route et nous voilà rendus en milieu d’après-midi à Morzine.
Après un trajet sans encombre, deuxième partie de l’opération DONIUS, la prise de possession de notre base arrière : un chalet magnifique, tout confort +++, taillé sur mesure pour cocooner l’équipe qui n’allait pas ménager ses efforts le lendemain matin. Une petite balade pour se dégourdir les jambes après les heures de routes, et surtout pour aller récupérer les dossards (qui étaient en réalité des plaques de guidon) ainsi que les cadeaux souvenirs bien mérités… alors même qu’on avait pas encore roulé un kilomètre J. Casquette officielle vissée sur la tête, on rentre au chalet juste avant le déluge que les pros du Dauphiné n’ont pu éviter. Bien protégés de l’orage, posés au chaud dans notre beau chalet, l’heure avait sonné de déclencher le troisième acte de l’opération DONIUS : apéro et pasta-party, avec un maître-mot, la convivialité ! Chacun y va de sa petite anecdote ou de ses expériences plus ou moins glorieuses à vélo, en solo ou en commun, en buvant une bière, du Malto ou de la Saint-Yorre (recommandée par Laurent)…. On profite à fond de ces moments privilégiés en groupe, parce qu’on sait bien que demain matin on sera seuls face à la montagne ! Les plus expérimentés rassurent les novices dont l’inquiétude augmente à mesure que l’événement se rapproche. Moral boosté et batteries rechargées en glucides avec une bonne assiette (ou deux…) de pâtes al-dente, en bons sportifs qui veulent mettre toutes les chances de leur côté, nous n’éternisons pas la soirée et allons rapidement rejoindre nos lits douillets.
Nuit agitée pour la plupart d’entre nous… « je suis prêt ? j’ai rien oublié ? mon vélo va pas me lâcher ? j’ai pas trop mangé ?.. Allez je me lève pour pisser à cause de toute cette foutue Saint-Yorre et je me rendors! » Et non, raté, impossible de fermer l’œil à cause de cette pluie incessante, quelle angoisse… mais non banane, c’est pas la pluie, c’est le torrent qui passe sous le chalet dont la mélodie lourde accentue mon insomnie ! Peu importe le sommeil finalement, je sais que je suis prêt, je sais que je n’ai rien oublié, que j’ai bien mangé, et que la Saint-Yorre est mon amie ! Avant 6h tout le monde est debout, et après avoir maîtrisé la cuisson des spaghettis la veille au soir, le grand chef JG est à nouveau aux commandes du petit dèj ! Du salé, du sucré, du vitaminé, on prend tout ce qu’on peut pour éviter la fringale dans quelques heures. Peu de temps après nous voilà assortis, tous les onze bien moulés dans notre belle tenue blanche de l’AS (CMCIC, c’est écrit dessus… l’ASCM ça sera pour plus tard). L’heure du départ approche sérieusement, on sort les vélos du garage, on prend les photos de groupe et vamos, tous au départ !
Quelques kilomètres de descente et nous y voilà, enfin ! Le décor, les banderoles gonflables Cycling Classics, les sas de départ, la sono, tout y est ! Et franchement… expérimentés ou pas, on a tous cette petite boule au ventre, ce petit stress de savoir qu’on va partir à l’assaut de quelques-uns des cols les plus costauds des Alpes. Six d’entre nous partent pour les 143 kilomètres de la « Granfondo » (distance initiale de 155 km entaillée du Grand Taillet, en raison d’un éboulement la veille), départ à 8h pétantes, et les cinq autres attendent quelques minutes avant d’attaquer la « Mediofondo » et ses 102km.
Et voilà ! Après plusieurs mois d’attente, de prépa intense, de doutes, de challenges, de bluff et de comparaisons alambiquées, c’est parti !! Une petite parade touristique dans les rues de Morzine et de Montriond, et c’est déjà l’heure d’attaquer le Col de Joux Verte. Au pied de celui-ci, passage devant le magnifique Lac de Montriond, où dans quelques heures sera jugée l’arrivée de la course. J
Le peloton est encore regroupé, on se passe et on se dépasse, on s’observe… A part un coéquipier qui par une manœuvre hasardeuse manque d’un cheveux de me jeter dans le fossé (pas mon genre de balancer, mais vraiment Eric, je t’en veux pas J), tout se passe bien en ce début de course. La route sinueuse et la lumière du matin annoncent la couleur : on va en prendre plein les yeux, et… plein les cuisses aussi ! Un petit Coca au sommet et c’est parti pour la première descente… dans un brouillard à couper au couteau ! Fort heureusement seulement sur quelques centaines de mètres. Des épingles bien serrées et les routes non fermées à la circulation nous obligent à la plus grande vigilance. La deuxième traversée de Morzine se fait à un tout autre rythme que la première… là on est vraiment dans la course ! Aidés par les signaleurs qui arrêtent les voitures aux ronds-points et carrefours, on peut optimiser les trajectoires et se croire en plein Tour de France… les spectateurs en moins !!
Un passage très roulant, à fond les manettes, et nous voilà déjà au pied de la deuxième réjouissance de la journée : le Col du Corbier. Plus court que Joux Verte, mais tout aussi costaud ! Des gros pourcentages, mais le jus est là, on ne tape pas encore dans le dur mais on comprend qu’on est dans le vif du sujet, et qu’il va falloir gérer les efforts, la nourriture et la boisson…Les routes de Haute Savoie vont nous bouffer des calories ! Jolie descente, puis un peu de répit dans la vallée pour éviter le Col du Grand Taillet, et on remet un peu de vitesse jusqu’à la prochaine grimpette pour atteindre La Vernaz. Une montée plutôt courte mais avec un gros coup de cul sur la fin, et heureusement un petit ravito sympa au sommet. On enchaine tout de suite avec le Col de Jambaz, le genre de col piège, avec ses routes en pente douce qui font cogiter …« Jambaz, pas le genre de col ou j’en bave, mais je reste souple sinon j’aurai les jambes nazes » …
S’en suivent une trentaine de bornes très roulantes, pendant lesquelles j’appuie fort sur les pédales pour rester dans la roue…de celui qui avait failli me foutre à terre ! (promis Eric je t’en veux vraiment pas, et d’ailleurs un grand MERCI pour tes relais très appuyés, comme d’habitude !). Après le ravito de Taninges, c’est à mon tour de passer devant. Une petite fierté me gagne, à emmener un groupe plutôt rapide après 110 bornes de montagne, et au bout de quelques kilomètres je ralentis un peu, pensant qu’un gentil compère prendrait le relais… « tiens, c’est bizarre, personne n’est motivé ? » Normal, ils avaient compris, eux, ce qui nous attendait là tout de suite, et profitaient de mon gentil et naïf relais pour se refaire la cerise… « Un virage à gauche, on quitte la grande route ? Ah bon ? Dis-moi Eric, tu trouves pas que ça monte fort là ? »
Sans doute une petite grimpette avant Samoëns, où on aura un peu de plat pour se préparer au bouquet final. Mais rapidement la petite grimpette se transforme en mur, et l’inclinomètre s’affole, à l’inverse de la vitesse qui…se calme brutalement. 13%… 14%… 15%… allez, pas de souci, bientôt un replat, au prochain virage… Ah non pas encore ? Au suivant alors ! Non plus ! Jusqu’à ce panneau « Joux Plane, sommet à 10 kilomètres », qui me fait perdre tout espoir de voir Samoëns, et vite comprendre qu’il y ait un gros risque que…ça coince !! Car malgré mon triple plateau de cyclotouriste (allez-y moquez-vous, j’assume !), le pédalage n’est plus qu’en force et en puissance. Un passage en danseuse pour décontracter le dos et les bras, et retour sur la selle pour tirer et pousser les pédales, cardio au taquet, pour plafonner à 8km/h !! Et ça n’en finit pas… chaque hectomètre parcouru est un soulagement, chaque kilomètre une petite victoire sur la montagne. Encore 7 kilomètres, allez, ça va le faire, corrige ta posture, redresse toi, avance sur la selle, et appuie encore, encore ! Même le soleil, doux et léger le matin, devient agressif et lourd comme du plomb, et vient durcir cette ascension que l’on attendait de longue date, et qui avait fait tellement parler ! Là il n’est plus question de parler, uniquement d’avancer ! … plus que 5 bornes…Allez bats-toi, va taper dans les glucides ingurgitées hier soir, et dans les sels minéraux de cette foutue Saint-Yorre… on a pas « bu des cailloux » pour rien, n’est-ce pas Laurent ? Sommet à 2 kilomètres, ça commence à sentir bon… 1 kilomètre ! La route se dégage, la tête se redresse et le regard un peu éteint après ce long combat contre la montagne se rallume pour apercevoir enfin le sommet… un dernier virage et ça y est mec, tu l’as fait, tu as vaincu Joux Plane !
JOUX PLANE !!! Ce col mythique, redouté de tous, sous-estimé sur le papier mais tellement dur en réalité… et tellement beau aussi ! Un décor de carte postale, grandiose, qui restera à coup sûr gravé dans la mémoire de chaque cycliste qui aura su le dompter, et surtout dans nos souvenirs communs à nous, les onze de l’AS !
Quelques minutes au ravito et c’est déjà l’heure de repartir. Même si le plus dur est fait, la course n’est pas encore terminée ! Malgré des batteries presque vides et les jambes dures comme du bois, le moral au top nous permet de franchir sans encombre le méchant raidillon qui vient casser le début de la descente… qui s’avère longue et dangereuse, et qui nous permet de rallier encore une fois Morzine. Après le mode touriste et le mode course, la troisième traversée se fait en mode…Finisher !! Désormais plus de doute, on va y arriver !! Le sourire aux lèvres, salées de sueur, la tête haute malgré les cervicales en feu, on remet une dernière fois la chaine à gauche pour les 2 derniers kilomètres nous conduisant à l’arrivée.
Plus qu’un kilomètre ! 500 mètres… 200…Et ça y est ! Avec le lac de Montriond en superbe toile de fond, elle est là cette fameuse ligne d’arrivée, enfin !! Et avec elle, une émotion intense, un sentiment de plénitude et de gratitude sans limite, un énorme MERCI à nos proches de nous permettre de vivre notre passion du vélo pleinement, et de prendre autant de plaisir dans l’effort. Cerise sur le gâteau, nous voilà auréolés d’une médaille, sobre et magnifique, qui vient nous récompenser pour cette victoire sur nous-même, et qui nous inscrit à jamais comme finisher de cette grande épreuve. Mais la vraie récompense, c’est de retrouver les collègues déjà arrivés, et d’attendre les suivants… On se tape dans les mains, on se félicite, on raconte, on décrit les sensations, mais surtout, après plusieurs heures à cogiter et souffrir seuls, on échange et on profite, ensemble !! A ce moment- là peu importe la distance parcourue ou le chrono… Même les Médio sont des Grando… Fondo, fondus de vélo !
Et pour prolonger cette grande victoire collective, place au « nième » acte de l’opération DONIUS : l’après course ! Rassemblement du groupe au grand complet au chalet, et les bières rationnées la veille coulent désormais à flot. La bière, le saucisson, la douche, chaque étape est un plaisir, dont le point culminant est sans aucun doute le plongeon dans le jacuzzi, sur la terrasse, en plein soleil !! Les traits du visage tirés il y a encore une heure commencent à se détendre, on sourit, on profite, on savoure tous ensemble ! Un grand moment de convivialité et de complicité, juste avant le banquet final à l’Auberge « Le bout du Lac », pour reprendre des forces à l’endroit même où nous avions jeté celles qui nous restaient quelques heures avant. Une conclusion en apothéose pour un week-end de rêve, où tout se sera passé sans le moindre accro !
Un immense et éternel MERCI et BRAVO à Jean-Georges pour l’organisation de ces moments d’exceptions. Notre cher responsable de section, tu voulais depuis des mois que le week-end se passe bien, et le moins qu’on puisse dire, c’est que tes efforts ont été récompensés.
Merci et bravo également à Philippe pour avoir eu le flair d’aller là-bas, et pour son rôle moteur dans les sorties de prépa en montagne.
Et bien sûr merci et bravo à tous les participants pour votre bonne humeur et votre persévérance sur le vélo ! Chacun a eu son rôle pour faire de ce week-end une réussite sportive et humaine totale.
Clap de fin de cette superproduction JGD (pour ceux qui préfèrent le cinéma plutôt que l’armée…), et casting de ce magnifique road-movie : Jean-Georges DONIUS, Philippe SOUDIER, François BLES, Didier HORLACHER, Eric POORTMANS, Eric SENAULT, Eric RICHARD, Nicolas FREUND, Laurent ULRICH, Franck SILVA
Matthieu FARGETTON, Dossard 497, marqué à jamais par 6h48 d’une course magnifique et surtout par un week-end inoubliable, dans une convivialité rare, entouré de passionnés de la petite reine.
Photos : mini book cyclosportive MORZINE 15-17 JUIN 2019